PROCÉDÉ BROUILLARD D’EAU

Introduction

 

Le brouillard d’eau correspond à l’utilisation d’eau sous forme finement divisée en gouttelette. L’agent extincteur n’est pas l’eau à proprement parlé, mais bien le brouillard qui suivant son mode de génération, sa finesse et son énergie cinétique est doté de propriétés différentes. Le brouillard d’eau n’est pas stocké, mais produit « in situ » au niveau de la buse. Le procédé brouillard d’eau connait un fort développement dans les milieux des établissements recevant du public, des bâtiments tertiaires et industriels.

Aujourd’hui, plusieurs fabricants et installateurs proposent cette technologie sur le marché.

Définition

Un brouillard d’eau est défini par les caractéristiques granulométriques des pulvérisations. Défragmentée en microgouttelettes, cette eau offre une surface d’échange très importante. La finesse des gouttelettes générées, la densité du brouillard et les caractéristiques dynamiques de la pulvérisation influencées notamment par la vitesse en sortie de buse sont des paramètres importants conditionnant la qualité, les performances et l’adéquation de brouillard d’eau généré au type de foyer à combattre.  

Un brouillard d’eau est caractérisé par sa portée et son pouvoir pénétrant dans les masses gazeuses.

Par définition, un brouillard d’eau est une pulvérisation dont 90% du volume d’eau émis est sous forme de gouttelettes dont le diamètre est inférieur à 90µm soit un Dv0,90 < 1000µm.

La terminologie définie 3 classes de brouillard :

La quantité de mouvement d’un jet est caractérisée par sa portée et son pouvoir pénétrant dans les masses gazeuses.

Le brouillard d’eau est compatible avec les feux de classe A, B, C, et F.

Procédés Brouillard d’Eau

Il existe deux grandes familles de procédés :

Les procédés by fluide qui mettent en œuvre un gaz inerte et de l’eau. Ils génèrent un brouillard d’eau au niveau de la buse en mélangeant de l’eau à un gaz de propulsion acheminé par des canalisations distincte ou lorsque que l’eau et un agent gazeux sont mélangés et parviennent aux buses par l’intermédiaire d’une canalisation unique transportant les deux fluides. Dans ces conditions, on parle de système à écoulement diphasique. Le gaz peut être propulseur, générateur de pulvérisation et/ou complément d’efficacité. Ils sont caractérisés par une pression de service généralement inférieure à 8 bars, une quantité de mouvement importante et des orifices de passage libre de plusieurs millimètres.

Les procédés mono fluide utilisent uniquement de l’eau. Ce système génère un brouillard d’eau en faisant passer de l’eau sous pression par la buse. Parmi ces procédés on distingue :

  • Le procédé basse pression dont la pression de service est inférieure à 12,5 bars
  • Le procédé moyenne pression dont la pression est comprise entre 12,5 et 35 bars
  • Le procédé haute pression dont la pression est supérieure à 35 bars.

Remarque

Les brouillards d’eau de classe I sont plutôt préconisés dans des situations où l’on souhaite maximiser le refroidissement d’une phase gazeuse (flamme par exemple) du fait de leur proportion plus grande de fines gouttes.

Les brouillards d’eau de classe I et II permettent l’extinction de feux de liquides inflammable en limitant les projections de surface.

Les brouillards d’eau de classe III sont plutôt réservés aux situations où l’on souhaite un refroidissement d’un foyer solide avec une pénétration de l’eau plus et/ou l’on tolère une quantité d’eau plus importante. Cette classe de pulvérisation d’eau est plus adaptée aux feux de combustibles solides et moins adaptée au refroidissement d’une phase gazeuse (Flamme par exemple)

La finesse d’un brouillard d’eau n’est pas représentative de son efficacité. La classe de brouillard doit être adaptée au type de combustible (solide ou gazeux), à la hauteur d’implantation des diffuseurs, au degré de confinement de l’enceinte protégée.

Mécanismes Prépondérants dans la Protection par Brouillard d’Eau

L’action du brouillard d’eau repose sur plusieurs mécanismes, souvent combinés.

Le refroidissement de la flamme : Grande surface d’échange et grande vitesse de vaporisation. L’eau est un très bon piège thermique. L’élévation d’un kilogramme d’eau liquide de 20°C à 100°C nécessite 335 kJ/kg et sa vaporisation demande 2257 kJ/kg supplémentaire, soit un total de 2592 kJ/kg. La finesse des gouttelettes du brouillard d’eau implique une surface d’échange importante permettant d’exploiter son potentiel d’évaporation et d’absorption des calories

En s’évaporant, les gouttelettes, au contact des zones chaudes (voisinage de la flamme) génèrent un volume de vapeur qui contribue à appauvrir localement la concentration en oxygène.

1litre eau = Environ 1700 litres de gaz (vapeur d’eau)

Le refroidissement de la flamme participe à son extinction. Il faut aussi noter que le refroidissement d’un nuage de fumée peut empêcher son inflammation lorsqu’il arrive au contact d’air frais (Flash over)

Le refroidissement de solides combustible (matériaux) : Le contact eau-solide (matériaux)est limité par la surface du combustible en feu (matériau). La finesse du brouillard d’eau n’est pas essentielle mais peut-être utilisée à profit pour limiter les chocs thermiques. Un refroidissement efficace nécessite en revanche un débit d’eau suffisant et un bon recouvrement liquide-solide

Si l’on souhaite par exemple optimiser le refroidissement d’une atmosphère chaude, un brouillard d’eau très fin est préférable. En revanche si l’on souhaite maximiser le refroidissement d’un solide combustible, un brouillard d’eau comportant une plus grande proportion de grosses gouttelettes donnera de meilleurs résultats.

Diminution de la concentration en oxygène globale ou locale :  Appauvrissement de la teneur en oxygène dans deux cas :

  • Au voisinage du foyer les gouttelettes d’eau se transforment en vapeur, ce qui contribue à diminuer localement la concentration en oxygène.
  • Dans les locaux, la formation de vapeur d’eau assimilable au gaz inerte contribue mécaniquement à faire baisser la concentration en oxygène dans l’air des locaux clos. Pour le cas de foyers important dans un petit volume, le brouillard d’eau peut se vaporiser et l’action de la vapeur produit un effet d’étouffement pouvant conduire à l’extinction. Une température minimale ambiante suffisante (65°C-75°C) est nécessaire pour constater cet effet lié à la vapeur d’eau car, pour un volume saturé en eau (sous l’action du brouillard) la proportion en volume pour l’eau sous forme vapeur est limitée par la pression de vapeur saturante de l’eau dans l’air.

 Les produits de combustion du foyer peuvent également participer à l’appauvrissement de la concentration en oxygène dans les locaux protégés.

Le graphe ci-dessous présente les concentrations maximales de vapeur d’eau et d’oxygène en fonction d’oxygène en fonction de la température ambiante d’une enceinte fermée :

Dans la pratique, les modes d’action interviennent de manière souvent combinée. En fonction des situations et de l’objectif de protection, les caractéristiques du brouillard d’eau peuvent être adaptées de manière à favoriser tel ou tel mode d’action.

Atténuation du rayonnement thermique :  Influence de l’énergie de propagation. Tout comme la conduction et la convection, le rayonnement thermique est un mode de transfert de la chaleur. Il contribue à la propagation d’un incendie. Un brouillard d’eau convenablement dimensionné peut notablement atténuer le rayonnement thermique. Les mécanismes prépondérants dans l’atténuation sont l’absorption, la réflexion et la diffraction. Les principaux paramètres intervenant dans l’efficacité de l’atténuation sont :

  • La densité du brouillard d’eau ;
  • L’épaisseur de l’écran de brouillard d’eau ;
  • La classe de brouillard d’eau ;
  • L’homogénéité de la répartition du brouillard d’eau

Un taux global d’atténuation de 50% peut être facilement atteint.

Spécificités du brouillard d’eau

Le potentiel de refroidissement des phases gazeuse (Flamme par exemple) sont de loin la spécificité essentielle du brouillard d’eau par rapport à d’autres technologies d’extinction à base d’eau.

La granulométrie est un élément très important dans l’efficacité du brouillard d’eau par rapport aux objectifs. Un brouillard très fin optimisera les effets de refroidissement d’une ambiance gazeuse et d’atténuation du rayonnement. Les gouttes plus grosse jouent un rôle important :

  • Aide au déplacement des gouttes de petite dimension
  • Durée de vie est plus importante (résistance à la vaporisation immédiate)
  • Pénétration favorisée au cœur du foyer
  • Refroidissement de combustible solide plus efficace
  • Résistance supérieure à la ventilation

Dans les conditions normales d’utilisation, le brouillard d’eau ne saurait laver complétement les fumées. Les gaz hydrosolubles sont susceptibles d’être captés avec une certaine efficacité. Les gaz peu ou pas solubles tel que le monoxyde de carbone ne peuvent être captés mais plutôt dispersés par l’action du brouillard d’eau.

Le brouillard d’eau peut avoir deux effets sur la visibilité. D’une part sur l’atténuation de la lumière et donc une diminution de la distance de visibilité et d’autre part sur la diffusion de la lumière dans différentes directions avec perte de contraste.

Ces effets sont à prendre en compte pour l’évacuation dans les locaux normalement occupés. La destratification de la couche de fumée est également à prendre en compte.

Pour certaines applications, le brouillard d’eau permet d’obtenir de bons résultats avec des quantités d’eau modérées, avec les avantages suivants:

  • Tuyauterie de faible diamètre
  • Réserves d’eau à capacité réduite
  • Surcharge en toiture réduite
  • Réduction des dégâts lié à l’eau.

La conductivité électrique au cœur d’une fine pulvérisation d’eau est limitée mais l’eau de ruissellement, quant à elle, est conductrice. La mise hors-tension des équipements exposées est conseillée.

En permettant un refroidissement progressif et homogène des surfaces chaude, les chocs thermiques peuvent être évités. La faible quantité d’eau de mise en œuvre permet de limiter également les effets de choc thermique sur les zones d’accumulation d’eau résiduelle.

Un brouillard d’eau bien adapté est capable d’éteindre les feux d’hydrocarbures sans nécessiter d’additif. Le refroidissement des surfaces est nécessaire pour éviter toute réinflammation. S’il existe des risques de feux de nappes caché il est important d’intégrer dans le brouillard d’eau un additif de type AFFF.

Objectifs des Dispositifs Brouillard d’eau

Les dispositifs Brouillard d’eau sont envisageables en Protection d’Ambiance (volume) ou en Protection d’objet.

Les trois objectifs de performance principaux sont :

L’extinction d’un incendie : C’est l’élimination complète et définitive de tout feu à flamme vive ou de tout feu à développement rapide :

La suppression (réduction) d’un incendie : C’est la réduction significative du débit calorifique et prévient une éventuelle reprise du feu :

Le contrôle d’un incendie : C’est la limitation du développement de l’incendie et la prévention des dommages structurels (par refroidissement des objets, des gaz présents à proximité et/ou par pré-mouillage des éléments combustibles présents à proximité) :

Courbes d’illustration des 3 niveaux d’efficacité du brouillard d’eau :

D’autres objectifs sont aussi envisageables comme :

Le refroidissement de structure ou d’ambiance pour la sécurité des personnes, la préservation de la structure de l’ouvrage, faciliter l’intervention des secours, La création d’écran au rayonnement thermique pour la protection de sites industriels…

L’efficacité d’une installation de brouillard d’eau dépend dans une large mesure des objectifs définis, des caractéristiques du brouillard, du type de foyer et de combustible susceptibles d’être rencontrés, de l’existence ou non de zone d’ombre, du volume de l’enceinte à protéger et de son niveau de confinement.

L’analyse de risque est donc un pré requis indispensable à toute définition d’une installation.

Domaines d’Application

Plusieurs domaines d’application sont envisageables. Ils dépendent des objectifs de la protection. Ces derniers doivent donc être fixés préalablement.

On peut citer comme exemples d’applications :

  • La protection de salle informatique et de contrôle process,
  • La protection de salle d’archives,
  • La protection de galerie de câbles,
  • La protection de machines hydraulique ou thermique : groupe électrogène, turbine à combustion, …
  • La protection de locaux techniques : locaux hydrauliques, locaux transformateur, locaux bancs d’essai moteurs, …
  • La protection de cabine de peinture
  • En mesure compensatoire dans les ERP

Limites d’applications

Le brouillard d’eau ne doit pas être utilisé directement sur des matériaux qui réagissent avec l’eau en donnant des réactions violentes ou des quantités significatives de produits dangereux comme par exemples les feux de métaux, certains produits chimiques (les silanes, les sulfures, les cyanates…), les gaz liquéfiés aux températures cryogéniques et sur des risques électriques lorsque les matériels ne peuvent pas être mis hors tension avant le déclenchement.

Les applications en extérieur requièrent des essais préalables à une échelle représentative.

Architecture des installations

Les possibilités d’activation des systèmes brouillard d’eau sont très diversifiées et peuvent s’adapter à de multiples configurations. Le choix du mode d’activation est un élément clef, conditionnant la précocité de déclenchement du système. Tout dispositif manuel et/ou automatique permet de déclencher la diffusion du brouillard d’eau. Les installations sont définies par des diffuseurs, un réseau de canalisation et une source d’eau. Elles peuvent être pilotées et surveillées par un système de détection incendie identique à ceux utilisés pour les autres procédés d’extinction ou directement par la rupture d’une buse automatique thermique.

Les buses sont de deux types soit ouvertes de type déluge activable par un système de détection automatique d’incendie et/ou piloté par des moyens manuels, soit automatique (fermées) équipées d’ampoules thermosensibles (fusible ou ampoule) pour les installations sous eau, sous-air ou à préaction.

Les canalisations sont traitées anti-corrosion, acier inox ou galvanisé.

Les postes de contrôle sont des actionneurs automatiques et manuels qui permettent le déclenchement et la surveillance de l’installation en état de veille.

Les sources d’eau sont dimensionnées en fonction des caractéristiques pression et débit nécessaires et de l’autonomie requise. Dans certain cas l’autonomie peut être deux fois le temps d’extinction obtenu expérimentalement suivant une certification.

Dans d’autres cas avec un minimum de 10 mn ou de 30 ou 60 mn dans le cadre d’un objectif de contrôle ou de suppression (réduction). Dans ces conditions on parle :

  • Soit de taux d’application volumique (l/min/m3) : Débit d’application de l’agent extincteur ramené au m3; Ce taux est celui qui s’applique le mieux au brouillard d’eau.
  • Soit de taux d’application surfacique (l/min/m2) : Débit d’application de l’agent extincteur ramené au m2. Ce taux est moins pertinent pour le brouillard d’eau mais est utilisé à titre de comparaison avec les technologies sprinkleurs.

Une attention particulière doit être portée sur la qualité de l’eau et sur les dispositifs de filtration en fonction de la solution utilisée.  L’eau peut provenir d’un réseau d’eau ou d’une réserve d’eau.

La mise en pression est assurée soit par une pompe soit par un gaz de chasse inerte pour des installations modulaires.

Dans certaine application, il est important de compléter l’eau d’un additif de type AFFF par exemple, favorisant l’extinction des feux de nappes ou des feux cachés.

Plusieurs types d’installations

 

Système déluge :

C’est un système de brouillard d’eau utilisant des buses ouvertes et activable par un système de détection électronique d’incendie ou par un système pilote et/ou par des moyens manuels.

 

Système sous eau :

C’est un système de brouillard d’eau utilisant des buses automatiques (fusible ou ampoule) montées sur un réseau de tuyauteries contenant de l’eau sous pression et raccordé à une alimentation en eau de telle façon que l’eau se déverse immédiatement par la ou les buse(s) actionnée(s) par la chaleur de l’incendie.

 

Système sous air :

C’est un système de brouillard d’eau utilisant des buses automatiques (fusible ou ampoule) montées sur un réseau de tuyauteries contenant de l’air, de l’azote ou un gaz inerte sous pression. L’ouverture d’une buse automatique permet, par la chute de pression du réseau, l’activation de l’organe de commande. L’eau ou le mélange diphasique envahit le réseau et se transforme en brouillard d’eau à la sortie des buses activées.

 

Système à préaction :

C’est un système dans lequel l’organe de commande est activé par un système de détection électronique d’incendie ou par un système pilote indépendant, dans la zone protégée, permettant à l’eau ou le mélange diphasique de pénétrer dans la tuyauterie à l’intérieur de la zone protégée, indépendamment du déclenchement de toute buse automatique (fusible ou ampoule).

Principaux avantages et inconvénients du brouillard d’eau

Avantages

 

 

  • Pas de toxicité pour les personnes directement liée au procédé utilisant de l’eau
  • Pas de contrainte d’étanchéité particulière
  • Moins contraignant pour les secours
  • Autonomie illimitée dans le cadre d’un branchement sur un réseau d’eau
  • Peu dépendant de la mise en configuration incendie du local
  • Possibilité de plusieurs déclenchements
  • Faible consommation d’eau
  • Pas d’effet mécanique du au jet.

 

Inconvénients

 

  • Extinction non garantie pour certaines applications et configurations
  • Sensible aux zones d’ombre (espace caché)
  • Rétention et récupération de l’eau à prévoir
  • Arrêt énergie électrique conseillée
  • Incompatibilité avec certains combustibles
 

Aspect normatif et règle technique

Il existe une norme américaine la NFPA 750. La première édition est parue en 1996.

Il existe un American National Standard for the Water Mist System ANSI/FM Approvals 5560 December 2007

Un Document Technique APSAD D2 sur l’installation de système de protection incendie par brouillard d’eau est paru en novembre 2007.

Un Document Règle Technique APSAD T2 sur les spécifications technique et méthodes d’essais des systèmes de protection incendie par brouillard d’eau est paru en décembre 2012.

Un Document Référentiel de certification de service d’installation et de maintenance APSAD I.F2 pour le brouillard d’eau est paru en mai 2017.

L’ensemble de ces documents ont été élaboré en partenariat avec l’APSAD, le CNPP, le GIFEX et des fabricants.

Il existe une norme expérimentale XP CEN/TS 14972 (aout 2011) – Installations fixes de lutte contre l’incendie – Système à brouillard d’eau – Conception-installation et un projet de norme européenne prEN 14972-1 Installations fixes de lutte contre l’incendie – Système à brouillard d’eau – Partie 1 : Conception, installation, inspection et maintenance destiné à remplacer CEN/TS  14972 (aout 2011) en cours d’élaboration.