FFMI : Traitement des déchets, le nécessaire perfectionnement des filières REP
Posté le 05/06/2025
(LE MONITEUR – Antony Denay – 4 juin 2025)
En janvier 2024, le gouvernement confiait une mission à l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) pour réfléchir à une réforme des filières REP, dont les résultats sont jugés hétérogènes et insuffisants. Plusieurs pistes d’amélioration en sont ressorties.
Le montant global collecté pour financer les éco-organismes des 23 filières REP atteindra huit milliards d’euros en 2029.
Le système de responsabilité élargie des producteurs (REP) pour la gestion des déchets, qui concerne 23 filières dont les produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB), doit être repensé, refaçonné, amélioré. C’est en tout cas ce qu’a considéré le secrétariat général à la planification écologique (SGPE) lorsqu’il a réclamé en janvier 2024 auprès de la Première ministre d’alors, Elisabeth Borne, de confier une mission aux organismes compétents pour sortir du statut quo et dessiner les contours d’un système plus efficient.
L’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD), accompagnée de l’Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l’économie (CGE), s’est fendue d’une feuille de route assortie de plusieurs suggestions.
A l’occasion d’une table ronde organisée par l’IGEDD mardi 3 juin, plusieurs acteurs directement impliqués dans les filières REP ont débattu de ces avancées, après la présentation du rapport « Performances et gouvernance des filières à responsabilité élargie du producteur », remis au gouvernement en juin 2024.
La France, n°1 mondial de la REP
Si tout n’est pas parfait, Philippe Joguet, co-président du Comité économie circulaire du Medef, tient à rappeler l’avancée majeure qu’a représenté la création d’éco-organismes, structures de droit privé, au début de la décennie 90 : « il faut mesurer le chemin parcouru depuis 1992, date de création d’Eco-Emballage, l’ancêtre de Citéo (opérateur de collecte et de traitement des emballages et des papiers, NDLR), et aujourd’hui, avec la disparition des décharges sauvages mais aussi de la méthode d’incinération des déchets, extrêmement polluante ». Pour la filière PMCB, les éco-organismes Valobat, Ecominero ou encore Valdelia ont également marqué un tournant dans la collecte et le recyclage des déchets issus des chantiers de construction.
La feuille de route établie par l’IGEDD préconise de stabiliser les filières existantes plutôt que d’en lancer de nouvelles. « La France est, dans le monde, le pays qui a le plus développé le système des REP ; cela constitue une originalité mais ne doit pas se transformer en frein économique, notamment dans le cadre de chaînes de production mondialisées », conseille l’IGEDD. Une meilleure organisation des filières à l’échelle européenne est également recommandée, « pour un gain de cohérence et d’efficacité ».
Les fraudeurs insuffisamment sanctionnés
Pour Jean-François Carrenco, président délégué de Federrec (Fédération professionnelle des entreprises du recyclage), les REP doivent se munir « d’une instance de régulation renforcée, un conseil de stratégie industrielle par filière rassemblant l’ensemble de ses acteurs ».
Aujourd’hui, la disparité de résultats obtenus selon les filières pose un souci de cohérence globale. « Les déchets collectés continuent d’augmenter, avec une croissance supérieure à celle du gisement. Mais c’est insuffisant dans certaines filières », relève Philippe Joguet. « Il est à noter que le recyclage progresse en volume même s’il stagne un peu », ajoute-t-il également. La mission objective un faible niveau de concurrence entre éco-organismes par filière, avec un manque d’émulation et, in fine, un degré d’efficience bas.
En parallèle, les fraudeurs sont insuffisamment sanctionnés, ce qui pénalise l’ensemble des acteurs. « Il existe un déficit de contrôles et de sanctions, notamment à cause du manque de cohérence entre les cadres français et européen », déplore Philippe Joguet. Une trop grande complexité administrative est pointée du doigt pour expliquer les angles morts exploités par les fraudeurs. Actuellement, le contrôle des filières REP mobilise 57 équivalents-temps-plein répartis au sein de cinq entités distinctes, dont l’Ademe. La mission propose de les regrouper au sein d’une entité unique, qui pourrait être un « service à compétence nationale » ou une « autorité indépendante ».
Contribution volontaire obligatoire
Reste la question, centrale, des prélèvements sur les entreprises, qui a notamment amené les acteurs du bois à réclamer leur sortie de la filière REP PMCB. Une volonté en contradiction avec le principe même de l’éco-contribution, selon Philippe Joguet : « il s’agit d’une contribution volontaire obligatoire, même si la formule s’apparente à un oxymore ». Un geste consenti, certes, mais dont le déficit de résultats pousse certains contributeurs à s’interroger sur son bien-fondé. « Nous sommes passés de 800 millions d’euros payés par les entreprises en 2020 à 1,6 milliard aujourd’hui, sans que la corrélation entre cet argent et la performance environnementale de la démarche ne soit au rendez-vous », déplore Jean Hornain, directeur général de Citéo.
Le rapport rendu par l’IGEDD dit peu ou prou la même chose : « le montant global collecté pour financer les éco-organismes atteindra huit milliards d’euros en 2029, avec une augmentation des éco-contributions unitaires. Au regard des sommes mobilisées, l’Etat est donc légitime à s’interroger sur la qualité du pilotage du système des REP ».